A la rencontre d'Agha Karim, chanteur et chaman
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Comment avez-vous choisi les six pièces enregistrées sur le CD ?
Nous les avons enregistrées à Vence pendant le Printemps des Comédiens, l'après midi ou le soir après les spectacles, au château d'eau. Il s'est passé un phénomène bizarre et un peu négatif ; Agha Karim n'a jamais fait de cassettes, encore moins de CD, malgré son âge (54 ans) et un répertoire fabuleux qu'il a composé totalement, textes et musiques sur des cadres traditionnels. Il n'est pas nécessairement à l'aise et il était hors de question de réenregistrer une pièce, cela n'avait aucun sens pour lui. Lorsqu'il est arrivé à Montpellier, il dormait très peu et son chant demande beaucoup d'énergie Un tableau de la salle du château le perturbait Ensuite nous avons fait les concerts, il y a eu quelques petites imperfections mais le souffle était là. Aussi, il y a les deux types d'enregistrements.

Quel répertoire a fait l'objet de la tournée en France et de l'enregistrement du CD ?
Pour les concerts, nous avions deux programmes différents, suivant les participants. Quand Agha Karim est présent, il n'y a pas besoin de se poser de questions, on lui passe la main, la voix est au-dessus de nous et nous sommes soumis ! Dans la musique azéri, tout est génialement précis, on travaille en profondeur l'articulation, l'interprétation, sans jamais une once de vulgarité. Cela a été très fort de travailler avec Malik Mansurov, qui a un sens extraordinaire du déroulement de la musique, le sens de l'unité lisible. Au voisinage d'Agha Karim, c'est une autre vraie nourriture. On commence à parler des variétés de pissenlits de la Transcaucasie, on partage ensuite quelques poésies marocaines, puis on fait de la musique il ne répète jamais rien plusieurs fois ! C'est une fois pour toute, il faut donc être costaud, heureusement que Malik a joué le rôle de relais, comme ça se fait toujours dans les orchestres.


Comment avez-vous choisi les six pièces enregistrées sur le CD ?
Nous les avons enregistrées à Vence pendant le Printemps des Comédiens, l'après midi ou le soir après les spectacles, au château d'eau. Il s'est passé un phénomène bizarre et un peu négatif ; Agha Karim n'a jamais fait de cassettes, encore moins de CD, malgré son âge (54 ans) et un répertoire fabuleux qu'il a composé totalement, textes et musiques sur des cadres traditionnels. Il n'est pas nécessairement à l'aise et il était hors de question de réenregistrer une pièce, cela n'avait aucun sens pour lui. Lorsqu'il est arrivé à Montpellier, il dormait très peu et son chant demande beaucoup d'énergie Un tableau de la salle du château le perturbait Ensuite nous avons fait les concerts, il y a eu quelques petites imperfections mais le souffle était là. Aussi, il y a les deux types d'enregistrements.


Comment Agha Karim a-t-il vécu cette expérience ?

C'est très important pour lui. Malgré la liberté obtenue grâce à l'indépendance, il y a toujours le chamanisme. Quelques fois, il rêve ce qui va arriver, il avait prévu notre rencontre et toute la suite. Pour nous, bien sûr, c'est un effet facile, nous sommes un pays riche, jouer chez nous va rejaillir sur sa position chez lui. J'espère que ce sera le cas, c'est un très grand artiste, il le mérite.


Le chant est-il sa seule activité ?
Oui, il est véritablement habité, il ne fait rien d'autre. Il a une voix très puissante, c'est vraiment formidable de l'entendre chanter à côté de soi. En rentrant de Bakou, je me suis dit qu'au moins, j'aurais fait ça dans ma vie : le rencontrer. Dans une minute, il peut proposer un vers poétique, une mélodie, ou une plaisanterie.
Il est évident que tu as une relation très forte avec cet artiste. Travailler sur la transmission de ce répertoire comprend donc évidemment une dimension humaine et affective. Ce paramètre est difficile à expliquer à des élèves comme ceux de Villeurbanne par exemple.
Ouf ! Oui. Difficile, À l'ENM de Villeurbanne, j'ai ouvert un cours qui essaie de poser cette question. C'est un cours théorique qui s'intitule : « Musiques orientales et civilisa-tions ». J'essaie de souligner comment ces musiques s'inscrivent dans le quotidien, la nature de la relation avec les maîtres, la transmission. Hélas pour les élèves des générations qui nous suivent, cette réalité s'éloigne, la rencontre est de plus en plus problématique. Comment faire comprendre le déplacement psychologique ? On a du mal à camper le paysage, c'est pourquoi je conseille le voyage.
Quand Agha Karim chante, sur quoi s'appuie-t-il vraiment ?
Sa voix est extrêmement puissante et il semble ne faire aucun effort. Son visage est impassible et par rapport à ce qu'il dégage, c'est hors de proportion ! Il y a des secrets J'évoquais le chamanisme Il y a ça dans l'air de ces montagnes.


Aurons-nous la chance de revoir Agha Karim en France ? Je connais quelques participants du cours « chants traditionnels » qui seraient absolument bouches bées, sans compter les autres...
Il y a des projets... Agha Karim est absolument charmant, à son contact, l'air devient léger, il sera certainement ravi de rencontrer d'autres chanteurs et de transmettre quelques pièces de son répertoire, il l'a déjà fait à Villeurbanne.


Propos recueillis par E.G
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Entretien avec Marc Loopuyt
Au retour de son dernier voyage, qui l'emmena cette fois de l'Azerbaïdjan aux poules de son propre jardin. Marc Loopuyt livre sa version de la magie musicale et convie les amateurs de musiques traditionnelles à l'écoute d'un chanteur d'exception, Agha Karim.
Sans doute aurait-il fallu, à l'occasion de cet entretien, capter pour le lecteur, la petite étincelle voilée du regard, les courts silences,
qui en disent long sur l'admiration que Marc porte à ce grand chanteur.
Et on le comprend à l'écoute du CD Azerbaïdjan : Chant du Grand Caucase.
Les instrumentistes présents sont de très grande qualité (Malik Mansurov, Natig Shirinov) qui ont auparavant traversé plusieurs projets musicaux liés à Marc Loopuyt.
Mais la voix d'Agha Karim nous rappelle que la chair d'une vie est bien là, au cur de ce souffle, qui nous fait comprendre sans pouvoir l'exprimer, la signification de ce que peut être un style et sa liberté.

CMTRA : Comment as-tu rencontré Agha Karim ?
Marc Loopuyt : L'histoire commence avec le projet de création pour lequel nous avons obtenu le prix Villa Médicis. J'ai bénéficié d'une résidence de 6 mois à Bakou, sachant que la vie là-bas n'est pas simple, mais j'avais besoin d'une année sabbatique et c'est bien tombé. J'ai voulu retrouver Malik Mansurov, le joueur de târ que j'avais connu à Séville en 1989. J'ai travaillé avec lui pour monter un répertoire instrumental, nous avons fait quelques concerts en Azerbaïdjan et l'absence de chanteur s'est fait cruellement sentir. Malik Mansurov m'a alors fait visionner une cassette vidéo d'un mariage pour lequel Agha Karim chantait. J'ai eu un très grand choc et nous sommes allés le rencontrer.
Quelle est son histoire ?
Agha Karim est un personnage assez fantastique, c'est l'anti-artiste par excellence dans le sens ou il ne lève pas le petit doigt pour lui-même, pour sa carrière. C'est un vrai poète, qui n'a jamais approché quelques cours que ce soit. Les autres chanteurs l'ont enterré, il est donc toujours resté à l'écart, que ce soit pendant la période soviétique ou depuis ces dix dernières années de l'indépendance. Il est resté loin des Académies, son style ne s'est pas altéré, il n'a pas été « russifié ». Il n'a jamais étudié dans les institutions de modèle soviétique. Pendant les 70 ans de communisme, les directives artistiques ont prôné les intervalles fixes, en réduisant à 12 leur nombre dans la gamme. Aujourd'hui, les instrumentistes qui ont une « oreille » ont soif de retrouver une expression musicale plus large, c'est Agha Karim qui fait office de « maître ». C'est donc un chanteur qui indique aux instrumentistes où placer les ligatures sur les luths ! Malik Mansurov a aujourd'hui 28 ligatures sur son instrument quand les autres n'en ont que 19. C'est assez exceptionnel. Agha Karim, lui, n'a jamais cessé de composer. Il est né en 1947, son père était garde forestier et il fut très vite passionné par la poésie et les mystères de la nature. Il a fréquenté les chanteurs du Caucase, les coiffeurs, véritables troubadours populaires s'accompagnant au luth. Lors de ses concerts en France, Agha Karim a tenu absolument à connaître une herbe qu'il ne connaissait pas en Azerbaïdjan. Dans son pays, il connaît le nom et l'utilité pharmaceutique des herbes et des 37 baies qui poussent dans les buissons du Caucase et qui n'existent pas chez nous. D'un côté, c'est un homme de la terre, d'un autre côté, il connaît la prosodie arabe, perse, turque Ce monsieur est un cocktail détonnant ! L'école de Shemakha, dans laquelle Agha Karim enseigne, accueille les musiques savantes et les musiques populaires sans hiérarchie aucune. Les deux musiques se nourrissent.

Quel répertoire a fait l'objet de la tournée en France et de l'enregistrement du CD ?
Pour les concerts, nous avions deux programmes différents, suivant les participants. Quand Agha Karim est présent, il n'y a pas besoin de se poser de questions, on lui passe la main, la voix est au-dessus de nous et nous sommes soumis ! Dans la musique azéri, tout est génialement précis, on travaille en profondeur l'articulation, l'interprétation, sans jamais une once de vulgarité. Cela a été très fort de travailler avec Malik Mansurov, qui a un sens extraordinaire du déroulement de la musique, le sens de l'unité lisible. Au voisinage d'Agha Karim, c'est une autre vraie nourriture. On commence à parler des variétés de pissenlits de la Transcaucasie, on partage ensuite quelques poésies marocaines, puis on fait de la musique il ne répète jamais rien plusieurs fois ! C'est une fois pour toute, il faut donc être costaud, heureusement que Malik a joué le rôle de relais, comme ça se fait toujours dans les orchestres.